« Our New Alphabet / Notre Nouvel Alphabet »
Nirina Ralanto est peintre d’art abstrait. Elle utilise l’acrylique en jouant avec des couleurs vives et en dessinant des formes et mouvements libres. Elle cherche à créer un nouveau langage vibratoire. Son alphabet est une calligraphie non décodée, sa grammaire visuelle est une combinaison entre formes géométriques et lignes ondulatoires.
Par cette calligraphie-peinture abstraite, Nirina Ralanto tente de créer un niveau universel de communication et de partage des émotions humaines, par-delà les choses et les mots du monde. Sa collection intitulée “Nouvel Alphabet” est une peinture automatique, à la manière de l’écriture automatique des surréalistes. Elle peint au fil du pinceau, comme on écrit au fil de la plume. Selon elle, cette spontanéité créatrice est nécessaire pour qu’émerge, chez le spectateur, le frisson de la vérité.
Peintre autodidacte, Nirina Ralanto dessine depuis son enfance. À l’adolescence, elle dessine et peint dans le magasin d’encadrement d’art de sa mère, et reçoit des conseils d’un peintre, ami de la famille. Après ses études de littérature, elle part vivre en Californie en tant qu’enseignante et se remet devant son chevalet. C’est à San Diego qu’a lieu sa toute première exposition. Elle s’installe ensuite à Abu Dhabi. Là-bas, sa créativité accélère : en trois ans, elle peint une centaine de toiles. Ses principales sources d’inspiration sont la calligraphie arabe et l’architecture futuriste des émirats. En août 2013, elle quitte son poste à la Sorbonne pour se consacrer à son art. Nirina est auteur-scénariste, musicienne, chanteuse, réalisatrice de web-series et comédienne.
Nirina Ralanto, qui êtes-vous ?
Je suis une femme française, par les gènes légués par ma mère, mais surtout parce que je suis née en France où j’ai été éduquée suivant un parcours exigeant et élitiste qui à la fois m’a mise à l’épreuve, a forgé mon esprit de rigueur et a cultivé toutes les facettes de ma créativité et de ma liberté.
Je suis une femme malgache, par les gènes légués par mon père né à Madagascar. Mes voyages sur l’Île Rouge m’ont montré que malgré mon éloignement culturel, je ressemblais aux personnalités fortes des femmes malgaches issues d’une société matriarcale du temps des reines de l’île.
Je suis une artiste-professeur nomade et caméléon.
Vous avez pris contact avec l’équipe du Festival du Féminin pour nous présenter votre oeuvre. Quel est donc votre regard sur le féminin ?
Mes origines ainsi que mes expériences en France et à l’étranger, tant vers l’Extrême Occident que vers l’Afrique et l’Orient, ont dessiné la femme que je suis, et le regard qui va avec. D’une part, ce regard est imprégné par une immense confiance dans le rôle grandissant de la femme dans notre monde, d’autre part c’est un regard qui conserve une conscience aigüe des souffrances endurées dans le passé et encore aujourd’hui. Au bout du compte, mon regard sur le féminin est un regard profondément optimiste. C’est un regard qui veut agir sur le monde. Ainsi, selon moi, le féminin qui contribuera à une harmonieuse métamorphose du monde n’est pas un féminisme aveugle qui oppose des clans en clamant « la guerre des sexes » ou en revendiquant une « égalité des sexes ». L’avenir créateur se fera grâce à un féminin conscient de son équilibre intérieur entre sa part féminine et sa part masculine. “Ce féminin ré-équilibré aura évidemment besoin d’un Masculin lui-même aussi conscient de son équilibre entre part masculine et part féminine. Certains hommes y travaillent aujourd’hui, et plus qu’on ne pense. Il faudrait parler de ces hommes-là, et les mettre en avant…
Impossible de ne pas évoquer votre expérience aux Émirats Arabes Unis… Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
J’ai vécu de septembre 2010 à octobre 2013 à Abu Dhabi. Je me suis installée dans ce pays du Golfe car je venais d’être recrutée par l’Université Paris-Sorbonne Abu Dhabi. A l’époque, les Émirats n’étaient pas autant médiatisés qu’ils le sont aujourd’hui. ont réagi avec une pointe d’humour (était-ce un sourire accompagné d’une certaine appréhension ?) en disant : “Quoi Nirina ? Mais il va falloir que tu portes le voile !”. Tandis que des amis se réjouissaient de ma nouvelle aventure, d’autres amis se demandaient ce qu’une “femme libre” comme moi allait faire dans ce pays. Personne parmi mon entourage n’était déjà allé aux Émirats Arabes Unis. Mes trois années à Abu Dhabi furent un feu d’artifice de découvertes humaines et culturelles. J’ai rencontré toutes les nationalités du monde arabe parmi mes étudiants : émiriens, saoudiens, qatari, koweiti, syriens, palestiniens, jordaniens, libanais, égyptiens, et aussi des “mélanges” entre ces nationalités. Et nul besoin de me voiler ! Moi la petite française qui ne connaissais la question arabe que depuis le spectre du Maghreb, j’ai compris qu’en habitant dans le Golfe, un pan énorme de la question s’ouvrait à moi. Grâce à de nouvelles amitiés, tant masculines que féminines (c’est important de le dire), j’ai découvert la complexité intrinsèque du monde arabe et l’impossibilité de conceptualiser les enjeux et problématiques de cette partie du monde à partir de concepts uniquement occidentaux. Au bout de quelques mois passés là-bas, j’ai vite compris pourquoi il était problématique voire épineux de débattre des questions de religions et de traditions, à la manière dont on le fait dans mon pays.
Quand on vit ailleurs, il faut être caméléon pour comprendre de l’intérieur D’OÙ l’autre pense, agit, vit. Et c’est ce que j’ai fait. En tant que femme là-bas, j’ai tour à tour exploré, telle une anthropologue appartenant elle-même à son terrain d’étude, le monde des hommes et le monde des femmes.