Un article d’Isabelle Challut – Centre Pleine Lune, Québec
Depuis plus de 15 ans, je côtoie la naissance et sa beauté, sa puissance et aussi ses souffrances, ses blessures et ses peurs.
En cette année 2015, Pleine lune a dix ans. C’est encore jeune mais il a acquis beaucoup d’expérience en une décennie. Il faut dire qu’il en a vu, le Centre Pleine lune : il a été conçu par une équipe de quatre femmes passionnées, peut-être un peu inconscientes de l’immensité de ce qui se préparait. Et puis, les années suivant cette naissance fulgurante, mes partenaires sont parties vers d’autres défis et j’ai gardé le bébé. Garde complète et sans fin de semaine de relâche. Il a bien grandi, le petit Pleine lune et a su trouver sa place en ce monde.
Ces dix premières années ont été remplies de recherches, de lectures, de discussions, de formations, de colloques, de cours et surtout d’accouchements, d’expériences concrètes, de rencontres avec les équipes hospitalières, les sages-femmes et les doulas. Des liens forts se sont créés tandis que d’autres se brisaient. Notre mission d’accompagner les femmes dans ce passage au cours duquel la vie frôle parfois l’inacceptable mais dans lequel la femme se révèle à elle-même n’est pas toujours compatible avec l’environnement actuel de la naissance.
Si ces dix premières années ont été nourries par les avancées en salle d’accouchement, par les témoignages des couples accompagnés, elles ont aussi eu leur lot de fatigue, de stress et de découragement.
Comme n’importe-quelle histoire de naissance.
Je débute 2015, entourée de la bienveillance d’un groupe de doulas engagées qui portent maintenant Pleine lune avec moi et par toutes celles qui ont été formées et qui accompagnent sans relâche malgré la fatigue, le doute et les contraintes. Cette bienveillance est l’essence de l’accompagnement. Au-delà des connaissances, des interprétations et des croyances, accompagner dans une présence bienveillante est ce dont les femmes et leur famille ont besoin avant tout.
L’année dernière, l’accompagnement de ma mère vers la mort m’a amenée dans un autre passage. Que ce soit la naissance, la mort ou nos changements au quotidien, le propre du passage est de laisser aller ce qui doit mourir afin que ce qui a à naître prenne place.
Ma mère avait besoin de sécurité pour se laisser aller et ne pas résister. Elle avait besoin de notre totale confiance pour ne pas avoir peur. Nous l’avons enveloppée de cette bienveillance qui soulage, qui guide, qui annonce l’abandon. Et elle est revenue à la vie en état d’extase, guérie et transformée. Lorsqu’elle nous demandait de la laisser aller, elle ne manifestait aucune peur, aucun stress. Notre lâcher-prise lui a permis de faire le sien et de finalement choisir de revenir à la vie.
«J’avais besoin que vous me laissiez partir, que vous acceptiez au plus profond de votre cœur. Tant que je ne le sentais pas, je ne pouvais pas vous laisser. J’étais entourée de votre amour, de votre présence et c’est ce qui m’a permis de me laisser aller sans crainte. Je n’ai jamais eu peur et ce que j’ai vécu par la suite a été extraordinaire !»
Lors de la naissance de leur enfant, les femmes ont besoin de ce respect et de cette bienveillance à leur égard afin de plonger sans résistance dans l’inconnu.
Ma mère a vu la lumière qui annonce le passage de l’autre côté de la vie. Elle l’a suivie et a goûté à l’amour pur avant de revenir dans son corps. Après une telle expansion, ce retour ne fut pas facile.
L’enfant qui nait arrive de cet espace immense et a certainement besoin de douceur, de respect, de confiance et de bienveillance pour adoucir ce passage.
Isabelle Challut www.centrepleinelune.com
Le Centre Pleine Lune fête ses 10 ans en 2015.